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Grand Paris : une exception de douze jours accordée aux véhicules Crit’Air 3 interdits à la circulation dans la ZFE

Comme à Lyon ou à Toulouse, le Grand Paris fait un geste pour les véhicules polluants classés Crit’Air 3. Les conducteurs de ces véhicules – voitures diesel immatriculées avant 2011 ou voitures à essence immatriculées avant 2006 –, dont la circulation dans la zone à faible émission (ZFE) sera interdite à partir du 1er janvier 2025, vont pouvoir bénéficier d’un « pass ZFE vingt-quatre heures » qui leur permettra de circuler dans son périmètre, « dans la limite de douze journées pleines par an », a annoncé, lundi 7 octobre, la métropole du Grand Paris.
Ce passe pourra être activé « sur simple inscription préalable de l’automobiliste », a précisé dans un communiqué la métropole, invoquant davantage de « souplesse » pour les automobilistes.
Environ 422 000 véhicules particuliers et 59 000 professionnels de la métropole du Grand Paris sont classés Crit’Air 3, selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme de 2023. La ZFE concerne 77 communes des 131 de la métropole.
A l’issue d’une consultation, le président de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier, proposera d’augmenter le nombre de jours par an du « pass ZFE vingt-quatre heures ».
De son côté, la Mairie de Paris, qui doit voter cette semaine un avis sur la ZFE métropolitaine, a annoncé des aides pour les professionnels, afin de « diminuer le reste à charge pour l’achat de véhicules moins polluants », notamment pour les TPE et PME, a déclaré David Belliard, adjoint à la Mairie de Paris chargé des transports. Ces aides pourront s’additionner à celles de la région, a ajouté l’élu écologiste.
Les ZFE, très répandues en Europe là où la qualité de l’air est dégradée, visent à pousser les automobilistes à acheter des véhicules moins polluants, hybrides ou électriques, ou à utiliser les transports en commun et les modes de transports dits « doux ».
Douze grandes agglomérations françaises ont déjà mis en place une ZFE : Paris, Lyon, Aix-Marseille-Provence, Nice, Toulouse, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Reims, Rouen, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand.
Qu’est-ce qu′une ZFE ?
Les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) ont été créées en 2019 par la loi d’orientation des mobilités et étendues par la loi Climat et résilience en 2021 à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Il s′agit d’un périmètre dans lequel la circulation des véhicules les plus polluants est limitée, voire interdite, afin d′améliorer la qualité de l’air.
Les autorisations de circuler sont déterminées par la vignette Crit′Air, qui classe les véhicules de 0 à 5 selon trois critères : la motorisation (électrique, essence, diesel, etc.), le type de véhicule (deux-roues, voitures, utilitaires, etc.) et la norme Euro. Cette norme européenne fixe des valeurs maximales d′émissions de polluants atmosphériques tels que les oxydes d’azote, les hydrocarbures ou encore le monoxyde de carbone.
Quel changement au 1er janvier ?
Au 1er janvier 2023, la loi impose des ZFE dans onze métropoles, bien que certaines aient déjà mis en place des restrictions, comme celle du Grand Paris avec les limitations aux véhicules Crit′Air 4 depuis juin 2021. L’interdiction partielle ou totale de circulation s′impose aux véhicules qui ont une vignette Crit′Air 5 ou pas de vignette, c′est-à-dire les voitures et utilitaires diesel produits avant 2001 et les poids lourds, bus et autocars diesel produits avant octobre 2006. Au total, plus de 250 000 voitures et utilitaires légers sont concernés, soit 3,5 % du parc automobile de ces villes.
Où sont situées les ZFE ?
Créées pour lutter contre la pollution de l’air, les ZFE ont été logiquement instaurées dans les aires urbaines.
Pour l’heure, 11 métropoles sont concernées (hors métropole du Grand Nancy et Saint-Etienne Métropole aux restrictions spécifiques) : Grand Paris, Aix-Marseille, Lyon, Toulouse, Rouen, Nice, Montpellier, Toulon (le maire assure toutefois que la ZFE ne sera pas mise en vigueur dès le 1er janvier et que les discussions se poursuivent avec l’Etat), Strasbourg, Grenoble, Grand. D’ici au 31 décembre 2024, 43 villes de plus de 150 000 habitants devront avoir instauré leur ZFE et précisé leurs modalités : périmètre, véhicules, jours et heures concernés.
Des villes plus petites ont choisi la mise en place volontaire du dispositif. En Haute-Savoie, les cinq communautés de communes de la vallée de l’Arve réfléchissent à une zone à faibles émissions à la suite de pics de pollution à répétition causés par le caractère enclavé du territoire, l’activité industrielle et le trafic routier.
Combien de véhicules sont et seront concernés par les ZFE ?
En 2023, les véhicules Crit′Air 5 et sans vignette seront limités voire interdits dans les ZFE soit 5,5 % du parc automobile français en 2022.
Sans une amélioration de la qualité de l′air avant 2024, ce sera au tour des voitures classées Crit’Air 4 (diesel de 2001 à 2005), soit 8 % du parc automobile, puis des Crit’Air 3 (diesel de 2006 à 2010 et essence de 1997 à 2005) le 1er janvier 2025, qui représentant 22,1 % des véhicules en France.
Les autres véhicules (deux-roues, utilitaires légers, autocars, etc.) n′échappent pas aux restrictions, mais les dates de production peuvent différer de celles utilisés pour classer les voitures. Néanmoins, les collectivités territoriales restent libres de déterminer le calendrier et les modalités (catégories concernées, plages horaires, etc.) si elles parviennent à rester en-deça des seuils inscrits dans le code de l’environnement.Au total, si le parc automobile demeure inchangé d′ici à 2025, deux véhicules sur cinq seront interdits dans les ZFE.
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Que risque-t-on en cas de non-respect d′une ZFE ?
Circuler ou stationner dans une ZFE avec un véhicule non autorisé est passible d’une amende de 68 euros, et même de 135 euros pour les bus, autocars et poids lourds. 
Dans la ZFE du Grand Paris, plus de 780 000 véhicules, non classés, Crit’Air 5 ou Crit’Air 4, n’ont, théoriquement, plus le droit de circuler depuis le 1er juin 2021. Dans les faits, peu de sanctions sont prononcées et l’heure est davantage à la pédagogie.
Un système de vidéoverbalisation était prévu, mais son déploiement est retardé. Une expérimentation est prévue en 2023, selon le gouvernement. 
Autre moyen de contrôle : la mise en place de radars lecteurs de plaques d’immatriculation. Ils devraient être fonctionnels au second semestre 2024, selon l’exécutif, avec des amendes pouvant atteindre 750 euros.
Existe-t-il des dérogations ?
Certains types de véhicules bénéficient de dérogations nationales obligatoires : les véhicules de secours, ceux des forces de l’ordre et de la défense, ceux qui transportent des personnes handicapées, les transports en commun à faibles émissions et les véhicules électriques autonomes.Dans chaque collectivité, il peut y avoir des dérogations spécifiques, dont certaines sur demande. C’est le cas des véhicules d’approvisionnement de marchés, de transport d’animaux, des camions-citernes, des déménageurs professionnels ou encore des véhicules de collection, par exemple.
A Toulouse, la métropole a mis en place un passe qui permet aux véhicules interdits d’accès aux ZFE de pouvoir circuler 52 jours par an, soit un jour par semaine en moyenne, à condition d’en faire la demande.Depuis la fin de décembre, un décret permet aux villes de déroger à l’instauration obligatoire de ZFE si « les concentrations moyennes annuelles en dioxyde d’azote (NO₂) sont inférieures ou égales à 10 μg/m³ [microgrammes par mètre cube] ». Dans les faits, ce seuil correspond à la recommandation de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) ; il est plus contraignant que celui fixé par l’Union européenne déjà non respecté.
 
 
Des aides sont-elles possibles pour financer l’achat d’un véhicule moins polluant ou convertir son véhicule thermique en électrique ?
Pour inciter au remplacement des véhicules polluants, l’Etat propose une prime à la conversion (jusqu’à 5 000 euros) et un bonus écologique (qui passe de 6 000 euros à 5 000 euros au 1er janvier 2023). Une surprime jusqu’à 1 000 euros existe pour les automobilistes qui habitent ou travaillent dans une ZFE.
Des aides sont prévues pour le rétrofit électrique, c’est-à-dire la conversion d’un moteur thermique en électrique. Y sont éligibles les possesseurs de voitures, camionnettes, deux et trois-roues et quadricycles à moteur. Le montant maximal est de 5 000 euros pour un rétrofit de voiture.
Un prêt à taux zéro est expérimenté de 2023 à 2025 pour l’achat ou la location d’un véhicule à faibles émissions.
En plus de ces aides nationales, certaines collectivités ont leur propres dispositifs. Par exemple, l’Eurométropole de Strasbourg attribue jusqu’à 3 500 euros d’aide à la conversion pour une automobile ; et si un utlisateur souhaite se séparer de son véhicule thermique, elle verse jusqu’à 2 000 euros dans le cadre d’un « compte mobilité » pour financer ses déplacements en transports publics, la location ou l’entretien d’un vélo.
Les ZFE ont-elles un impact avéré sur la santé ?
Les polluants atmosphériques, rejetés en partie par les véhicules, peuvent entraîner des pathologies respiratoires, cardio-vasculaires et des cancers. Selon Santé publique France, les particules fines sont responsables de 40 000 morts annuelles de personnes âgées de 30 ans et plus. Des chercheurs britanniques ont même établi que la pollution de l’air en France cause près de 100 000 morts par an. En Ile-de-France, l’Observatoire régionale de santé (ORS) a mené une évaluation afin d’estimer les effets sanitaires attendus de la ZFE du Grand Paris. Sans surprise, plus le scénario étudié est restrictif, plus les risques sanitaires diminuent : « L’interdiction d’un niveau Crit’Air supplémentaire (qui augmente le nombre de véhicules concernés) renforcerait les bénéfices. » L’étude chiffre certains effets positifs : jusqu’à − 2,2% du nombre de pathologies cardiaques chez les 40-74 ans, − 4 % d’enfants asthmatiques et − 6,4 % de nouveau-nés de faible poids. L’ORS IDF soulève que les retombées sanitaires positives de la ZFE du Grand Paris s’étendent au-delà de la limite que constitue l’autoroute A86.En région francilienne, le nombre de morts attribuables aux particules fines PM2,5 a déjà baissé de 40 % entre 2010 et 2019 en raison de l’amélioration de la qualité de l’air, mais 7 920 morts seraient évitables si les seuils de qualité de l’air fixés par l’OMS pour les PM2,5 et l’ozone étaient respectés, selon un article scientifique publié en 2022.
Des villes à l’étranger ont-elles mis en place un système similaire ? Pour quel résultat ?
C’est la Suède, en 1996, qui a instauré en Europe le principe des zones à faibles émissions, ou Low Emission Zone (LEZ). En avril 2020, l’Ademe recensait 247 LEZ à travers treize pays européens, dont une grande majorité (204) en Allemagne et en Italie. En Allemagne, des chercheurs, qui ont comparé la qualité de l’air avant et après la mise en place des LEZ, ont observé une baisse des concentrations en particules fines PM10 de 17 % à l’intérieur du périmètre des LEZ, et de 14 % à l’extérieur. A Milan, une étude a comparé la concentration de carbone suie. Les chercheurs ont relevé un écart compris entre – 40 % et – 52 % de concentration de carbone suie pour une LEZ comparée à une zone sans restriction. Néanmoins, « aucune différence statistiquement représentative » concernant les particules (PM10 et PM2.5).
Des évaluations ont aussi été menées en France. A Paris, une étude de l’ONG International Council on Clean Transportation (ICCT) affirme qu’avec des critères d’accès plus stricts à la ZFE, « les émissions de monoxyde d’azote des voitures particulières en 2024 seront de 76 % à 87 % inférieures aux niveaux de 2016 », alors que sans ZFE, Paris « ne verrait des réductions similaires des émissions de monoxyde d’azote des véhicules qu’aux horizons 2031-2034 ».Les LEZ n’ont pas d’« impact significatif » sur le nombre de véhicules en circulation mais contribuent au renouvellement du parc automobile. L’Ademe nuance les effets positifs sur la qualité de l’air en relevant que ce type de dispositif « ne peut constituer à lui seul une solution » et « doit s’inscrire dans le cadre de plans d’actions plus larges ».
Qui sont les opposants aux ZFE ?
L’associations 40 millions d’automobilistes dénonce dans une pétition « un projet anti-social ». Avec la Fédération de la distribution automobile (Feda), elle a entamé une « grande boucle des exclus » afin de rencontrer des automobilistes concernés par l’instauration des ZFE. Le Rassemblement national envisage de présenter une proposition de loi pour supprimer les ZFE lors de sa niche parlementaire, le 12 janvier 2023. Le député RN du Gard Pierre Meurin argue qu’il s’agit d’un « symbole d’une écologie punitive » dirigée vers les « classes moyennes qui ne peuvent pas habiter dans le centre-ville mais qui y travaillent ».Une mission parlementaire flash, dont les conclusions ont été publiées en octobre, soulignait les « questions majeures d’acceptabilité et de justice sociale » liées aux ZFE. Le caractère explosif du dispositif a aussi été souligné par Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et vice-président de France urbaine, association qui réunit les grandes villes françaises : « Ne provoquons pas une deuxième crise des “gilets jaunes” ». 
Pour rappel, le Conseil d’Etat a condamné deux fois l’Etat pour son incapacité à respecter les seuils règlementaires de niveaux de pollution de l’air dans des agglomérations. La facture s’élève à 30 millions d’euros. 
Le Monde avec AFP
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